3/14/2010

Bribes de mots #4: Le livre du voyage

Nous allons vers le continent. Voilà un port, une immense ville moderne. Survolons-la. Les buildings aux angles droits formentd'indestructibles monolithes

Des troupeaux de voitures fébriles foncent puis s'arrêtent aux feux rouges puis foncent à nouveau. Des troupeaux de piétons, inquiets, foncent puis s'arrêtent aux feux verts puis foncent à nouveau. Ils se croisent dans les avenues. Ils se bousculent, se frôlent, s'évitent de justesse.

De là-haut, cela forme comme un réseau sanguin. Les villes aussi sont vivantes. Elles suent de tous leurs pores des vapeurs d'essence. Dans les étages élevés, tu vois des oisifs penchés aux fenêtres, une tasse de café à la main, qui regardent comme toi dans la rue.

Des couples s'embrassent dans les jardins publics.Des enfants jouent en criant.Des joggers courent. En banlieue, d'immenses usines vomissenten cadence des tonnes d'aliments standardisés qu'on entasse dans des camions.
Dans les quartiers résidentiels, les gens avalent des tranquillisants pour tenir bon. D'autres restent le regard fixe devant la télé .C'est ton monde. À un coin de rue, une fille est en train de se shooter à l'héroïne. Descendons .Regarde son visage, cette fille est complètement en fin de parcours.

En fait, elle essaie...de faire comme toi. De faire sortir son esprit de son corps pour s'envoler.Mais elle se trompe de technique. Elle croit que le poison dans son sang provoquera cette si douce séparation de l'âme et du corps .

Regarde, son esprit ressemble à une mouette engluée dans du mazout. Elle ne peut ni s'envoler ni même déployer ses ailes.Va lui parler. Dis-lui qu'on n'a pas besoin de produits chimiques.

Dis-lui qu'il suffit simplement de le vouloir pour pouvoir décoller. Comment ça, pourquoi je ne lui en parle pas moi-même?

Mais parce que moi je ne suis qu'un livre.Je ne peux agir que sur ceux qui me lisent. Il ne viendrait jamais à l'idée de cette fille qu'il est possible de trouver un réconfort dans un livre.
Je te l'ai déjà dit, je ne peux aider que ceux qui ont envie d'être aidés. Regarde-la, elle n'a pas envie de s'en sortir,elle veut simplement fuir.

Viens, reprenons la route.

[Le Livre du Voyage, Bernard Weber]

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